Tout d'abord, elles permettent de profiter de la saveur distinctive des truffes tout au long de l'année, indépendamment de la saison de récolte. Nous entendons par éprouvettes gastronomiques, des mets d’une saveur reconnue et d’une excellence tellement indisputable, que leur apparition seule doit émouvoir, chez un homme bien organisé, toutes les puissances dégustatrices ; de sorte que tous ceux chez lesquels, en pareil cas, on n’aperçoit ni l’éclair du désir, ni la radiance de l’extase, peuvent justement être notés comme indignes des honneurs de la séance et des plaisirs qui y sont attachés. « Toutes les fois qu’on servira un mets d’une saveur distinguée et bien connue, on observera attentivement les convives, et on notera comme indignes tous ceux dont la physionomie n’annoncera pas le ravissement. Nous nous contentons d’y renvoyer, ainsi qu’à ceux de Viard et d’Appert, en observant qu’on trouve dans ce dernier divers aperçus scientifiques auparavant inconnus dans les ouvrages de cette espèce.
Nous avons eu un moment l’intention de donner ici, comme pièces justificatives, la recette pour confectionner les diverses préparations que nous indiquons comme éprouvettes, mais nous nous en sommes abstenu ; nous avons cru que ce serait faire injustice aux divers recueils qui ont paru depuis, y compris celui de Beauviliers, et tout récemment le Cuisinier des cuisiniers. Monsieur Lemadru, célibataire sans maison montée, ayant reçu une magnifique poularde truffée, l’a envoyée aux époux Dubourg, vieux amis de trente ans, chez lesquels il va dîner tous les jeudis. Placée sur la cheminée du salon, la bête a mûri peu à peu, à la grande joie des deux époux qui, d’heure en heure, l’œil humide et la langue rôdant sur les lèvres, viennent suivre les progrès de cette gangrène embaumée que développe la truffe. Deux douzaines d’ortolans à la provençale, comme il est dit dans le Secrétaire et le Cuisinier. La force des éprouvettes est relative, et doit être appropriée aux facultés et aux habitudes des diverses classes de la société. Nous nous sommes occupé de cette recherche avec cette suite qui force le succès, et c’est à notre persévérance que nous devons l’avantage de présenter au corps honorable des amphitryons la découverte des éprouvettes gastronomiques, découverte qui honorera le dix-neuvième siècle.
Nous allons maintenant donner l’état des mets, que nous avons jugés propres à servir d’éprouvettes ; nous les avons divisés en trois séries d’ascension graduelle, suivant l’ordre et la méthode ci-devant indiqués. La méthode des éprouvettes, dûment examinée et délibérée en grand conseil, a été inscrite au livre d’or dans les termes suivants, pris d’une langue qui ne change plus. L’un des chapitres du livre IX de ce traité est intitulé : Des truffes ou tartuffes, et, comme Leduchat et les autres étymologistes regardent le mot truffe comme dérivé de truffer, il est probable que l’on n’a dit, au xve et xvie siècle, tartuffe pour truffe, que parce que l’on pouvait dire également tartuffer pour truffer. Et, enfin, je ne crois pas faire un jugement téméraire d’annoncer qu’il n’y a point d’homme, si peu éclairé des lumières de la foi, qui, sachant ce que contient cette pièce, puisse soutenir que Molière, dans le dessein de la jouer, soit digne de la participation des sacrements, qu’il puisse être reçu à pénitence sans une réparation publique, ni même qu’il soit digne de l’entrée des églises, après les anathèmes que les conciles ont fulminés contre les auteurs de spectacles impudiques et sacrilèges !
Ce que je ne voudroy pas qu’il aduint, Quod abominor. Ainsi, par exemple, un accident qui aurait détruit un plat de haute saveur, une bourriche devant arriver par le courrier et qui aurait été retardée, soit que le fait fût vrai, soit qu’il ne fût qu’une supposition ; à ces fâcheuses nouvelles, on aurait observé et noté la tristesse graduelle imprimée sur le front des convives, et on aurait pu se procurer ainsi une bonne échelle de sensibilité gastrique. Et Albertine avait une telle force de passivité, une si grande faculté d’oublier et de se soumettre, que ces relations avaient été brisées en effet et la phobie qui me hantait guérie. Toutes circonstances appréciées, elle doit être calculée pour causer admiration et surprise : c’est un dynamomètre dont la force doit augmenter à mesure qu’on monte dans les hautes zones de la société, Ainsi l’éprouvette destinée à un petit rentier de la rue Coquenard ne fonctionnerait déjà plus chez un second commis, et ne s’apercevrait même pas à un dîner d’élus (select few) chez un financier ou un ministre.